Shihab Presse :Malgré la popularité croissante de l’application de transport inDrive en Algérie, des données précises révèlent que la filiale locale de l’entreprise dépend d’un soutien technique et administratif basé au Maroc, en plus d’être liée à une société chypriote qui gère les opérations internationales. Cette situation soulève des questions sur l’indépendance de la structure algérienne et la transparence de son statut juridique et financier.
Une société algérienne sous vitrine chypriote
D’après le registre du commerce, le prestataire de inDrive en Algérie est l’EURL URHALA DIGITAL, créée le 9 août 2023 avec un capital de 100 000 DZD. Son siège est situé à El Madania, Alger, après un déménagement depuis Hydra en novembre 2024. L’entreprise est active dans la location de véhicules avec ou sans chauffeur, le développement informatique, la publicité, et les services d’accueil. Elle est la propriété d’un citoyen algérien né en 1994 à Témouchent et possède un partenaire étranger, la société chypriote SUOL INNOVATIONS LTD.
Malgré près de deux ans d’activité, la société n’a pas déposé son rapport fiscal 2023, en violation des règles du système comptable financier algérien.
Qui est SUOL INNOVATIONS LTD ?
SUOL INNOVATIONS LTD est une société à responsabilité limitée fondée en 2014 à Nicosie (Chypre), active dans le développement de logiciels, notamment de l’application inDriver. Elle générait plus de 50 millions d’euros de revenus en 2021 avec une équipe de moins de 10 personnes. Son conseil d’administration regroupe des personnalités de nationalités diverses, dont Arsine Tomsky, Andreas Hadjidemetriou, Milena Karaoulia, Dmitry Sedov et Mark Legrand. La société détient plusieurs marques commerciales enregistrées, telles que inDriver, BeginIT by inDrive, ou ID INDRIVER OFFER YOUR FARE.
Soutien technique marocain
inDrive gère ses opérations en Algérie via un centre régional au Maroc, probablement à Rabat ou Casablanca. Les offres d’emploi publiées par l’entreprise montrent que ce centre soutient les activités au Maroc, en Tunisie et en Algérie, y compris le développement logiciel et le service client. Cela soulève des interrogations sur l’autonomie de la filiale algérienne. Plusieurs postes clés liés aux opérations en Algérie sont recrutés depuis le Maroc, où des sessions de formation et de gestion sont régulièrement organisées.
inDrive opère sans agrément du ministère des Transports
Juridiquement, l’application ne dispose d’aucun agrément officiel en Algérie, comme la plupart des applications de transport, ce qui place les chauffeurs partenaires dans une situation précaire et expose le service à des interruptions soudaines. Le vide juridique empêche également les conducteurs de faire valoir leurs droits ou de bénéficier de protections adéquates.
Des campagnes publicitaires aux financements douteux
inDrive a lancé récemment d’importantes campagnes de communication : réductions, cadeaux, publicité dans le métro d’Alger et sur les réseaux sociaux. Toutefois, ces opérations ont soulevé des questions sur leur financement, compte tenu du manque de transparence sur la structure financière de l’entreprise en Algérie et l’absence de documents fiscaux disponibles.
Réclamations techniques et fonctionnelles
Les utilisateurs algériens se plaignent de plusieurs problèmes :
- Rémunération faible en l’absence de tarif minimum
- Support client inefficace avec retards dans les remboursements
- Application intrusive (géolocalisation même après fermeture)
- Détails de trajet insuffisants avant validation
- Escroqueries impliquant passagers ou chauffeurs
- Système de notation perçu comme arbitraire
- Localisation imprécise dans certaines zones
- Qualité de service inégale en raison de l’absence de normes claires
Conclusion
Ce constat montre que le fonctionnement de inDrive en Algérie est largement piloté depuis l’étranger. L’absence de cadre réglementaire clair, les irrégularités fiscales et les plaintes récurrentes exigent une surveillance accrue par les autorités compétentes.
Droit de réponse
inDrive, via son bureau régional au Caire, a envoyé une réponse détaillée démentant certains faits :
- L’entreprise affirme respecter la loi fiscale algérienne.
- Elle se présente comme une entreprise de commerce électronique en attente d’un cadre juridique pour le transport numérique.
- Elle nie toute opération technique au Maroc.
- Les campagnes publicitaires, selon elle, respectent la législation en vigueur.
- Les critiques techniques sont, selon elle, exagérées ou dues à des malentendus techniques.
Elle précise également que :
- Un tarif minimum est bien appliqué et les conducteurs ont la liberté d’accepter ou de refuser une course.
- Un service client est disponible 24/7 et les remboursements sont traités dans un délai de six heures.
- La géolocalisation est soumise au consentement de l’utilisateur.
- Les informations sur les trajets sont disponibles avant l’acceptation.
- Des filtres permettent de choisir les utilisateurs selon leur historique et leur note.
- L’imprécision de la localisation est souvent liée à la connectivité ou aux appareils utilisés.
- Un nouveau service « Comfort » a été lancé à Alger pour améliorer la qualité globale.
Le débat reste ouvert sur la conformité et la transparence des activités de inDrive en Algérie.
Rédaction : Fateh Benhamou